« Je raconte un jeune homme dont je me souviens très bien mais qu'est pas trop moi ».
Et voilà que Joann Sfar nous revient avec un nouveau roman graphique « la synagogue ». Après « le chat du rabbin », «Et Dieu riait beaucoup » ou encore « l’éternel », le dessinateur nous a habitué à son univers personnel qu’est le judaïsme. Avec « la synagogue », il nous transporte dans sa jeunesse turbulente et revendicative. Joann Sfar écrivait il y a peu : « nous ne sommes pas loin de Dieu, Il habite loin c’est tout », quand il se retrouve à à l’hôpital, il se souvient de son adolescence entre ses parents, sa vision d’un monde qu’il découvre, les émotions auxquelles il doit faire face. Un livre porteur de trois messages : l’hommage à sa famille, la place de sa religion et la documentation précise de l’époque à Nice
« -Benjamin, je me méfie de toi car tu es très bien vêtu. Les seuls étudiants aussi bien habillés sont de droite.
-Je suis de gauche mais je me respecte.
Dans les années 80, lors des attentats cinglants que la France connait, l’auteur assure la sécurité extérieure de la synagogue de son quartier à Nice. A l’époque les skinheads s’échauffent contre les Juifs, il s’initie alors aux arts martiaux faute de mots, fasciné par son père avocat et conseiller municipal, par les écrivains qu’il dévore Kessel, Gary, Joann Sfar veut se montrer à la hauteur.
Il reconnait lui-même que lors des années 80, l’antisémitisme ainsi que le racisme se vivaient d’une manière décomplexée. Aujourd’hui, ces attitudes d’hostilité toujours présents sont sournoises, insidieuses.
Drôle, intelligent et surtout bien documenté, le dernier roman graphique de Joann Sfar nous raconte une tranche de vie qui est la sienne avec pudeur mais d’une vitalité époustouflante et surtout bouleversant et sans rancune. Entre dessins des bagarres, les bulles oralisées de « la synagogue » est l’histoire salvatrice d’un jeune homme qui se souvient et nous rappelle les méthodes du Front National quand il ne faisait pas semblant d’être un parti comme les autres.
A noter que l’ouvrage fut « le coup de cœur 2022 » du magazine littéraire « Lire ». Il était présent parmi les 100 livres de l’année.
« Il y eut quatre morts et quarante-six blessés lors de l’attentat de la rue Copernic. Les victimes n’étaient pas toutes juives. » Après le carnage, Raymond Barre, premier ministre de l’époque, aura les mots suivants. « Cet attentat odieux voulait frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. » Pour se défendre de ce qu’il appellera un lapsus, Barre déclara plus tard : « Cette opération indigne contre moi est l’œuvre du lobby juif le plus lié à la gauche.
UN ROMAN GRAPHIQUE : LA SYNAGOGUE
UN AUTEUR : JOANN SFAR
224 pages
Editions Dargaud
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